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Discours de S.E. Amandin Rugira à la cérémonie organisée à Louvain-La-Neuve pour la 25ème commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994 au Rwanda

Prononcé le 20 avril 2019 à la salle du Placet à Louvain-La-Neuve

  • Madame Liliane Kanzayire, Coordinatrice de cette cérémonie de la 25ème commémoration à Louvain-La-Neuve du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994 

  • Mademoiselle Marie-Pierre Karangwa,  Vice-Présidente d’Ibuka Mémoire et Justice ASBL ; 

  • Monsieur Gilles Bazambaza, Président de la Diaspora Rwandaise de Belgique ; 

  • Monsieur François Kayitakire 

  • Monsieur Ernest Sagaga,  

  • Chers rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi, chers compatriotes ; 

  • Mesdames et messieurs, en vos titres et qualités ; 

  

Comme vient de le rappeler Mr François Kayitakire, la ville universitaire de Louvain-La-Neuve a été, en Belgique, le premier lieu de commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda.  

Être pionnier demande toujours un certain courage, et Louvain-la-Neuve n’a pas fait exception. Il y a 24 ans, les oppositions au sein des autorités de la ville d’alors et, plus encore, de l’université furent farouches. Il importe de rappeler le cas d’un professeur bien connu de cette université, qui a choisi de témoigner en faveur d’un génocidaire notoire, condamné lors du premier procès en Assises ici en Belgique. 

Grâce à vous, la commémoration organisée à Louvain-La-Neuve n’a eu de cesse de se développer, tant en activités qu’en audience. Sans aucun doute, votre abnégation a inspiré nos compatriotes à travers la Belgique et au-delà.  

 

Nous remercions les autorités de la ville d’Ottignies Louvain-La-Neuve qui, depuis quelques années, ont su faire la part des choses et accepté de commémorer le génocide perpétré contre les Tutsis, au côté de nombreux Rwandais vivant dans cette ville.  

  

Mesdames et messieurs,  

  

Le 20 avril 1994 était un mercredi. Cela faisait une semaine que les massacres avaient commencé en dehors de Kigali, orchestrés par le nouveau Gouvernement intérimaire.  

  

La cité universitaire de Butare n’ayant pas suivi les consignes, un Conseil des ministres, qui distribuait les bons points aux villes qui accomplissaient leur tâche d’extermination avec le plus de zèle, pointa du doigt les préfectures de Butare et de Kibungo.  Par la suite, le préfet de Butare fut arrêté, puis exécuté avec sa famille. Ce résistant s’appelait Jean-Baptiste Habyarimana.  

  

Au-delà de l’assassinat du préfet, il aura fallu un Préfet venu d’ailleurs, ainsi qu’une visite du président Intérimaire Mr Théodore Sindikubwabo qui, dans son discours à la Radio Rwanda devenu tristement célèbre, incita les Hutus à tuer les Tutsi et tous leurs complices. 

Le génocide débuta à Butare, seule ville universitaire du Rwanda, au matin du 20 avril 1994. C’est ainsi que les étudiants, les professeurs, les employés, les religieux... furent assassinés, en ce compris Gicanda, la dernière reine du Rwanda. Pendant cette semaine, les interahamwes et des groupes armés importés d’autres préfectures tuèrent entre 20 000 et 30 000 Tutsi rien que dans la préfecture de Butare.  

Je me suis permis de relater ce qui s’est passé pendant la semaine du 20 avril 1994 car 

Se souvenir est le premier acte de résistance.  

Se souvenir est un acte de prévention.  

Se souvenir est également le meilleur moyen de lutter contre le négationnisme.  

 

Mesdames et messieurs,  

  

Le thème de la 25ème commémoration du génocide perpétré contre les tutsi au Rwanda en 1994 est Mémoire - Unité - Renouveau.   Par ce thème, le gouvernement rwandais souhaite mettre l’accent sur la transmission de la mémoire aux générations futures car Il est essentiel, pour l’avenir, que chaque Rwandais prenne conscience de l’histoire sombre qui a mené au génocide perpétré contre les Tutsi.  

En effet, entre 1959 et 1994, le Rwanda a connu des massacres cycliques ciblant les Tutsi. Mais, au-delà des pogroms, l’idéologie génocidaire a eu pour véhicule principal la discrimination pour ce qui est de l’accès à l’éducation. Ainsi, rares étaient les Tutsi qui avaient accès aux bonnes écoles secondaires. Plus rares encore étaient ceux qui pouvaient accéder aux bourses d’études universitaires. 

Pratiquement tous les témoignages des rescapés du génocide nous rappellent que le recensement ethnique à l’école a été le moment où les enfants prenaient conscience d’être Tutsi, sous les rires moqueurs de leurs camarades de classe. Cette politique discriminatoire, qui passait par l’école, n’a eu de cesse de stigmatiser les Tutsi, les empêchant ainsi de prétendre à un avenir plus prometteur. 

La réparation de cette injustice, ancrée dans le système éducatif, fut l’une des premières mesures prises par le gouvernement mis en place après le génocide. L’accès à l’école constitue désormais un droit fondamental pour chaque citoyen rwandais, considéré comme une ressource indispensable dans la construction de notre nation.   

  

  

Mesdames et messieurs, chers rescapés, chers compatriotes,  

  

Tout en vous invitant à soutenir nos chers rescapés du mieux que vous pouvez, j’aimerais conclure mon mot de circonstance par une citation de Boubacar Boris Diop tirée de son livre Murambi :  « La mémoire d’un génocide est une mémoire paradoxale, plus le temps passe moins on oublie. » 

N’oublions jamais, et efforçons-nous de transmettre la mémoire de ce sombre passé, afin que les générations présentes et futures puissent en tirer des leçons. Ainsi, nous pourrons garantir un meilleur avenir pour nos enfants et nos petit-enfants. 

  

Je vous remercie pour votre attention. 

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